Je devrais parler de sculpture mais ce sera de photographie. Il existe des livres écrits par des savants sur le sujet, et je vous invite volontiers à vous y référer en la matière, en ce qui concerne la photographie de la sculpture qui met en oeuvre aussi bien la technicité spécifique que la curiosité permanente que requiert cet art moderne. Pour ma part, je ne suis pas toutes les leçons que je lis ni même celles que je donne, photographier est devenu un prolongement de moi parmi les autres. Ici, la symbolique de l’image et le narratif seront évoqués l’un par l’autre, cumulant l’objet à son contexte. Ce qui s’impose avec la photographie est que la lumière doit être réelle pour la saisir, ainsi elle révèle le volume et sa forme et tout ce qu’elle contient d’autre. Souvent on attend cette lumière, on la cherche ou on l’organise, le reste du temps il faut se laisser séduire. Ensuite intervient le fameux concept d’immortaliser l’instant. Oui il s’agit d’un instant précis, opportunisme extrême, complètement dénué de mise en scène, je suis passée juste à ce moment précis quand le soleil bas de ce mois de mars arrivait jusqu’à la poubelle jaune de recyclage des plastiques que j’ai utilisé comme bassine à refroidir la cire de fonderie, créant un point de lumière coloré dans l’atelier. Cette lumière m’interpellant j’ai regardé dedans. Effleurait la surface par le cou tranché, les yeux ouverts et plein de la vie que j’y ai mise, le portrait de ce jeune sculpteur immergé dans l’eau de l’attente avant de naître. Le jaune se reflétant dans les volumes immergés. Le signe de recyclage de la poubelle transparait à contre jour, et offre un indice impromptu.
Oui, la matière de l’art en attente, la matière du projet en devenir, doit être recyclable. À l’oeuvre seule devrait être conférée cette éternité qui nous est refusée. Nous sommes de passage, mais notre culture persiste et se transmet dans les fruits de nos actes d’artistes.
L’humilité de l’auteur réside dans la conscience de cette mortalité, l’ambition personnelle est bien souvent totalement investie dans l’oeuvre en devenir.
Quand au sujet ne l’oublions pas c’est un jeune sculpteur qui, comme son portrait ou son allégorie, attend de naître dans un monde réfractaire à la beauté de ses sentiments. L’apparente esthétique de cette image est complètement fortuite, l’instant m’a sauté aux yeux. Mais la décision de la saisir ainsi que le sens que je lui donne sont miens.

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