De la facilité et accessibilité de l’IA, à l’industrialisation de l’art. Et si on se posait les bonnes questions?
Tout d’abord avant d’avoir peur de la nouveauté que l’on nous sert sous forme de menace, il faut se poser les bonnes questions. L’algorithme des réseaux sociaux m’a identifiée comme une personne susceptible d’utiliser l’IA et de travailler dans le monde de l’art, car je lis les articles de presse sur le sujet. Avant même que j’en admette l’évidence, le robot me met le nez dedans. Évidement, j’ai le profil type de quelqu’un de très attiré par une nouvelle technologie qui permet des applications dans l’art, depuis le premier ordinateur personnel à une nouvelle app, je suis artiste d’une génération geek. Cependant intervient mon esprit rebelle, j’aime les nouveaux gadgets mais je refuse d’être utilisée comme cobaye pour les expérimenter, j’exècre l’idée d’être une cible commerciale, ceci me permet de prendre du recul vis à vis de mes propres envies et me poser des questions. Ce que l’algorithme ne fait pas, il analyse et déduit que potentiellement je clique. Donc, je reçois de plus en plus d’invitations à utiliser l’IA et à m’inscrire à une université privée online pour devenir curateur au service de l’art. Tout d’abord je me suis demandée si j’avais besoin d’une annexe intelligente à mon propre cerveau, c’est vrai qu’il commence à avoir du kilométrage, mais ai-je vraiment besoin d’une prothèse cérébrale ou d’une greffe à ma créativité? Identifier le besoin d’une nouvelle technologie ou d’un nouveau gadget pour éviter qu’il devienne indispensable est une action qui impose le recul, or ces nouveautés jouent sur leur attractivité en menaçant celui qui ne l’a pas d’être catalogué comme réac ou non contemporain, ringard, dépassé, mort. Ensuite seulement dans plusieurs années on se rendra compte que tel ou tel comportement déviant et asocial accompagné de pathologie psychologique résulte de telle expérience éducative de masse vantée à l’époque pour sa forme évolutive et progressiste, pour laquelle on a manqué de prévention. Déjà les pédopsychiatres alertent sur les carences en développement de la génération écran, mais non, il faut continuer à flatter les nouvelles technologies. Cette nouveauté qui s’impose par la terreur et l’omniprésence médiatique, il ne faut pas en avoir peur, le phénomène n’a rien de nouveau. En ce qui concerne la curatelle, j’aurai d’avantage besoin de la déléguer que de m’en encombrer la charge, la publicité est bien définie sur un mot qui me concerne mais elle cible mal le prestataire. Comme quoi l’IA peut viser à côté. Le monde change me direz-vous et vous avez raison. Mais je m’en fous un peu et j’ai raison aussi. Si je cite ces deux publicités c’est qu’elles vont bien de paire, la première fournissant matière substantielle à la seconde qui est chargée de l’écouler, recrutant dans des profils potentiellement créatifs. La promesse de l’IA est essentiellement basée sur sa facilité d’utilisation. Presque chaque jour depuis ce débat sur l’IA les médias focalisent sur la facilité de création d’images sans avoir à dessiner ni même photographier, sans savoir rien en fait. Le mot magique: c’est facile. Vous êtes nul, c’est pas grave, l’IA vous fera passer pour quelqu’un. Que l’on demande donc à l’IA de résoudre la faim sur terre, les conflits, la violence urbaine, une solution pour désintoxiquer les toxicos, enfin qu’on lui demande de résoudre des problèmes réellement humains au lieu de lui en créer. Mais non, l’IA ne sera pas réservée à de grande causes comme la médecine ni même ne se contentera d’opérer dans l’ombre à la défense d’elle même face à celle d’autrui. Elle sera présente dans le quotidien des hommes pour flatter la vanité: tous pourront se prétendre des artistes sans en subir la malédiction du tempérament, en quelques clics ils produiront du Slop à la chaîne, que des curateurs véreux placeront sur les plus hautes strates du système de l’art qui est suffisamment alimenté par des acheteurs incultes pour que ça marche. Qu’ils le fassent. Cela donnera encore plus de valeur et d’attractivité à ce qui est difficile. Mais que penser de l’artiste qui utilise l’IA pour créer, ajoute-t-il une dimension artistique à son résultat? Expérimenter les nouveaux matériaux et nouvelles technologies est et a toujours été un vrai terrain de jeu pour l’artiste. Ce qui m’intéresse sur le sujet est plus particulièrement l’interrogation ou l’absence d’interrogation éthique. Il faudrait se demander quel est l’impact ces expériences sur l’environnement en matière de pollution, et sur l’environnement sociétal, sur la culture émergente. Se pose-t-on les bonnes questions? https://www.beauxarts.com/grand-format/un-vol-de-masse-3-500-artistes-exigent-lannulation-dune-vente-doeuvres-ia-chez-christies/ À la suite de cet article de Beaux Arts sur la vente de produits artistiques conçus de façon industrielle dans les mêmes salles des ventes, j’ai repris cette réflexion. Le fait qu’une agence vende des oeuvres réalisées par une IA, à dire la vérité cela m’indiffère, chacun a le droit de vendre ce qu’il veut, si on pouvait mettre du poids digital ou conceptuel dans de la mozzarella ils en vendraient. Cela fait déjà un bail que les galeries et grandes sales des ventes proposent de l’art produit de différentes façons, rien de nouveau. Ce débat est le reflet dans le monde de l’art de tous les débats actuels sur la définition des mots, comme si les mots pouvaient changer de sens selon les besoins du moment. On débat sur ce qu’est une oeuvre d’art, alors qu’en vérité tout le monde s’en fiche depuis Duchamp. Le vrai débat serait à déplacer vers la question de l’impact des théories quelles qu’elles soient sur la société et sur la vie des gens. Le produit IA nait du besoin des hommes d’expérimenter les nouvelles technologies, et d’un point de vue du vendeur il faut en estimer le rendement lucratif. Déjà le concept de délocalisation pour motif économique est une voie pour comprendre: si on peut délocaliser une usine car un humain ailleurs coûte moins qu’un humain ici, imaginez un peu se passer de l’humain pour créer. Là réside la motivation financière. En revanche la motivation d’expérimentation est plus intéressante d’un point de vue artistique. Un exemple simple: si je voulais créer une oeuvre avec l’IA en fournissant des images de mon propre travail d’artiste, et demandant de créer une synthèse de mes travaux dans une réalisation digitale, pourrait on avoir accès à une idée de moi ou de ce que je suis dans la perception d’un produit contenant une sorte de transversalité de mes œuvres? Pourrait-on ce faisant accéder à mon inconscient? Suis-je capable de produire une telle image de moi toute seule avec mes mains? Serait-ce un portrait de l’IA ou un autoportrait par intermédiaire digital? Et si une autre personne que moi posait la même demande à l’IA sans mon consentement, serait-ce du vol de propriété intellectuelle ou du viol de personnalité?
Certes le sujet est passionnant et c’est pour cela qu’il occupe une grande place médiatique et qu’il divise autant. J’ai signé la pétition car elle a le mérite d’exister et parce que certains de ces marchands nous traitent vraiment comme des chèvres, mais surtout parce que ce sujet concerne les droits des auteurs et qu’il appartient par conséquent aux artistes de s’exprimer. Le débat est ouvert.

Image d’illustration IA Intelligence Ancestrale
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