Ambition. De l’appétit des femmes.

Une femme doit avoir un appétit d’oiseau m’avait on dit un jour, je ne sais plus à quelle occasion, moi qui n’ai jamais eu de particulière agressivité envers la nourriture je suppose que cela devait se référer à autre chose qu’à l’art de la table. Il y a bien longtemps, à la question de l’orientation pour le choix du lycée j’avais osé avouer le désir de devenir architecte. Plutôt que je de me recommander de redoubler d’efforts pour réaliser mes rêves : Tes notes en maths sont trop basses, m’avait-on dit comme un couperet aussi bien que quelques temps plus tôt Les LEGO ne sont pas un jeu pour les filles. Bien plus tard en entreprise lorsque j’avais demandé de l’augmentation en négociant mon nouveau contrat de travail, le directeur m’avait dit en refusant: Mademoiselle Mienville vous êtes vénale. Oui, j’avais l’ambition d’être bien payée pour un travail que je faisais bien, j’avais surmonté le stress de me rendre au siège social pour parler un un type grand comme une montagne en costume cravate pour le lui dire, mais non, je n’était ni sérieuse ni ambitieuse, j’étais vénale. Je n’avais pas réussi à comprendre ce que le mot vénal avait à voir avec le fait de travailler, me demandant si toute forme d’emploi était lié de quelque façon à la prostitution dans l’esprit des hommes, et si je pouvais avoir le droit de ne pas avoir honte de recevoir quelque argent en échange de mon travail. Avec le recul, j’ai compris que ce qui était de l’ambition pour moi était pour lui une forme d’arrogance de la jeunesse avec laquelle il s’amusait. Aujourd’hui attelée de nouveau à la pratique du porte à porte pour demander humblement de m’aider à démarrer mon activité, portfolio prometteur à l’appui de mes diplômes avec mention, j’ai rencontré de tout, de la bienveillante gentillesse jusqu’au simple mépris. Je dois avoir acquis assez d’expérience en démarchage pour écrire une thèse sur le sujet.  Il n’y a pourtant pas d’eau bénite dans mon portfolio mais j’ai réalisé qu’il peut aussi bien brûler les yeux que les enchanter, tout dépend de celui qui regarde. En fait, tout est question de perception, à chaque rencontre il y a un regard réciproque qui s’établit, et souvent les personnes sollicitées ne réalisent pas que leur regard et leur jugement sera également regardé et jugé en retour. Quel jugement porter quand on vous reproche une qualité, on m’en a clairement reprochés certaines mais celle ci est une sorte de cumul de toutes: Vous êtes trop ambitieuse. Je vous épargne le tumulte de mes sentiments à l’écoute de ce reproche et la splendeur de ma retenue, les années aidant mon petit coeur n’est plus aussi tremblant que trente ans plus tôt, mais allons droit au fait: Est-ce trop ambitieux de vouloir m’insérer dans la société professionnelle correspondant au métier que j’ai appris pour lequel j’ai consacré cinq années d’études? Est-ce trop ambitieux d’être perfectionniste? Est-ce trop ambitieux de vouloir produire de la Culture, de faire dialoguer mes sculpture contemporaines avec l’histoire de l’art, de vouloir contribuer à la société par l’impôt, de désirer créer de l’emploi pour moi et pour d’autres si je le peux, d’enseigner et de transmettre, d’expérimenter encore et encore les anciens savoirs et les nouveaux, d’aspirer au bonheur et de croire en moi? Oui, et ce n’est pas trop, c’est normal. Comme le conseille Jean Cocteau, je vais cultiver ce qui m’est reproché car cela définit ce que je suis. On me reproche d’être ambitieuse, je le serai encore plus. Car oui, j’ai l’ambition de réaliser mes projets, et de choisir avec qui travailler, car cela contribue à mon bonheur, et oui je désire jouir d’une rémunération pour cela. Désir, un mot ambitieux. Jouir, un mot tabou. Oui je suis ambitieuse de la vie car je n’en ai qu’une, d’être un moi à part entière et pas un faux-moi. J’ai même l’ambition de déranger les convenances avec le plus de classe possible. Mais ce qui une qualité pour certains est un défaut pour les autres. Par conséquent acter à satisfaire ces ambitions, c’est accepter le risque de mettre mon âme à nu devant tous dans l’espoir de rencontrer d’autres visionnaires perdus au milieu des mécréants. L’appétit, la jouissance, le désir, la réussite professionnelle, le droit au péché à la même occasion, sont des libertés qu’il reste encore à conquérir. 

Ci dessous le dessin technique d’un escalier hélicoïdal fait en cours de perspective, il illustre bien ce sujet car c’est un projet qui fut long à réaliser, il est soigné et à l’encre de chine. Il représente une forme d’idée ascensionnelle dont le projet nécessite de la patience, des connaissance, et de la persévérance.
Classe prépa École Sornas Paris.

Faire des projets . 1990 étude de la perspective d’un escalier hélicoïdal. Classe Prépa école SORNAS Paris.

Commentaires

Laisser un commentaire